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Est-il bon de prévenir les désirs de quelqu’un ?




Prévenir les désirs de quelqu'un c'est être capable de se mettre à sa place pour imaginer ce qu'il désire et satisfaire ce désir avant même qu'il naisse. Ce faisant, le sujet désirant n'aura même pas eu le temps de ressentir le moindre manque ou la moindre frustration : il aura ce qu'il veut avant même de le vouloir. Mais est-ce bon ? Si nous poussons cette logique jusqu'au bout, le sujet ne ressentira plus aucun désir, à part ceux qu'il est le seul à pouvoir satisfaire, ceux que les autres lui refusent ou encore ceux qui sont impossibles à satisfaire. 


Cela pourrait limiter la capacité d'une personne à se confronter à ses propres désirs, à réfléchir à leur légitimité, à les hiérarchiser, et à apprendre à gérer la frustration ou l'attente qui font partie de la vie. 


Désirer manger du Nutella lorsque nous désirons par ailleurs perdre du poids est quelque peu contradictoire. Dès lors il faut, à moins de tomber dans l'incohérence, réfléchir à ce désir, et si vraiment il est impérieux, le satisfaire en se disant qu'il est par exemple l'exception qui confirme la règle du régime, ce qui est un moyen de se réconcilier avec une règle trop rigide pour être efficace. A défaut de quoi le sujet risque d’engloutir la pâte à tartiner sans réfléchir puis se sentir coupable et remettre peut être plus encore en cause son régime, qui était issu d'une décision rationnelle et saine.


La prévention des désirs supprime cette dimension de réflexion et de confrontation avec soi-même. D’ailleurs cela ne fait que déporter sur un tiers le problème du choix entre les désirs contradictoires : le “serviteur” serait dans l’obligation morale de refuser du Nutella à son maître et se ferait certainement crier dessus, de manière très injuste au demeurant puisqu'il œuvre pour son bien. Nous ne sortons donc pas d’une confrontation entre des désirs nés de la rationalité et ceux nés de l”impulsion.

Si quelqu'un voit constamment ses désirs anticipés et prévenus, il pourrait devenir passif, voire dépendant, dans sa relation avec ses propres besoins.


Penser est par exemple un désir que nous ne pouvons pas déléguer, pas plus que celui de faire du vélo, puisque cela nécessite de faire un effort pour surmonter des obstacles et si c'est un autre que nous qui fait l'effort alors nous n'y prenons plus aucun plaisir. Le résultat doit être celui de notre effort et ce résultat est une transformation de nous-mêmes par l'esprit ou par le corps. Si nous ne voulons que jouir de la satisfaction de nos désirs immédiats, nous ne serons plus qu'un corps flasque et adipeux, de même notre esprit sera paresseux, ignare et stupide. Dans les deux cas ce sera une faiblesse car le corps non entraîné est susceptible de tomber malade et de se briser plus facilement de même que l'esprit abruti est susceptible d'être trompé, manipulé et finalement c'est la liberté du sujet qui est aliénée.

Ne cédons pas à tous nos désirs.


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