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Le règne de la confusion





“Pensez-vous que ce que vous venez de dire est clair ? 


- pour moi oui


- et pour les autres, qui vous écoutent ?


- vous n'avez qu'à leur demander…”



Voilà déjà le signe d'un refus de penser, d'un refus de se confronter au sens commun qui a besoin, pour comprendre un propos, qu’il soit déterminé. Déterminé cela signifie délimité, ancré dans la réalité, distinct d'autres propos qui pourraient lui ressembler.



“- je leur demanderai peut-être après, mais pour l'heure je voudrais savoir si vous êtes capable de vous mettre à la place du sens commun et de vous demander, en sortant de vous-même, s'ils penseraient que votre propos est clair ?


- alors je dirais que peut-être certains trouveront que ce n'est pas clair.


- et ils auraient raison de le penser ?


- euhhhh…”



Ici la personne doit faire un choix crucial mais elle a vu le problème. Elle résiste parce qu'elle confond clarté et autorité. Un propos clair et déterminé n'est pas une autorité, il n'implique que vous allez passer pour un dictateur, un tyran ou un "autoritaire".


Bien au contraire, c'est parce qu'un propos est déterminé que l'on peut se positionner par rapport à lui, le critiquer, le questionner ou le réfuter, ou bien l'accepter pleinement : c'est donner de la puissance à autrui.


Mais cette personne se cantonne à de l'indéterminé parce qu'elle veut se sentir libre "pour elle-même" et confuse pour les autres par conséquent et pense qu'elle est ainsi plus "puissante".


Elle pense que rester dans l'indétermination (du relatif souvent) et la confusion (pour autrui) est une forme de résistance à l'autorité : mais en se prétendant libre elle ne fait que s'aliéner à autrui et à elle-même finalement. 


Comme dirait Tristan Garcia* : “pour lui plus c'est indéterminé, plus c'est possible, plus c'est puissant". C'est exactement le contraire pourtant : plus c'est déterminé et plus c'est saisissable par autrui, compréhensible, plus cela rend le dialogue puissant et ses interlocuteurs par la même occasion. Mais pour le paranoïaque du dialogue, cela rend le propos également plus “vulnérable” car attaquable. Avec de l'indéterminé, on ne peut rien faire, c'est une pâte molle.


Comme disait Spinoza, “omnes dererminatio est negatio”. Pour déterminer, il faut renoncer à tous les possibles, à son illusion de liberté "dans sa tête" et  il faut nier ce qui reste. C'est bien dans sa tête qu'il demeurera seul avec sa certitude d'être libre alors qu'il ne fait que jouir complaisamment et crânement de sa propre confusion, qu'il serait même prêt à brandir au nom d'une liberté de penser qui a juste oublié la responsabilité de s'adresser à autrui.



*« Laisser être et rendre puissant » par Tristan Garcia

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