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Obsolescence programmée




Quand on aime être utile on veut contrôler la gratitude de ceux à qui nous rendons service, on veut sa dose quotidienne de reconnaissance. Et quelle prétention de vouloir contrôler le sentiment que peuvent avoir les autres à votre égard, quelle prétention et quel danger pour soi-même ! Dans quelle dépendance affective à l'égard d’autrui ne se met-on pas !

Pourtant qui ne se demande jamais s'il est utile ?


Peut-être le créateur, l'artiste, le philosophe, le manager, celui qui travaille la pâte humaine comme dirait Schopenhauer. Leur souci commun : non être utiles mais faire prendre conscience, éduquer, enseigner, alerter, interpeller, vivifier. Est-ce utile ? Sûrement, mais ils n’attendent pas de reconnaissance pour cela car ils savent que le premier réflexe de l'élève, du lecteur ou du spectateur sera au contraire plutôt du rejet voire de la colère.


Admettons que nous prétendons tous à une quelconque utilité, que cela nous fait plaisir en général de savoir que nous avons été utiles. La démesure provient du fait de s’imaginer que nous puissions être indispensables et pas seulement utiles. Se rendre indispensable, si c'est seulement possible, c'est organiser la dépendance d'autrui à votre égard c'est donc organiser, planifier son aliénation, le priver de la liberté de se prendre en main, c'est une forme d’infantilisation d’autrui.


Peut-être est-ce une tendance plus féminine dans la mesure où c'est la mère qui en général est indispensable à l'enfant, ne serait-ce que pour sa gestation et sa présence affective des premières années. La mère en général ne refuse pas cette responsabilité, c'est même souvent un motif de fierté pour elle. Elle entretient souvent très tard cette dépendance affective en quémandant de l'affection à ses enfants même quand ils grandissent. Les enfants évidemment le perçoivent et lui rendent cette affection au début puis commencent à s'émanciper et à se rebeller contre cette emprise qui les alourdit. La mère en est étonnée, elle qui leur a "tout donné", elle est frustrée de ne plus pouvoir utiliser ses enfants pour étancher sa soif d’être aimée. Un jour pourtant il faudra bien qu’ils quittent le nid.


Vient un moment où notre compétence ne trouve plus à s'exercer, où nous nous sentons par conséquent inutiles, obsolètes, dépassés, hors d'usage. Nous avons subordonné notre compétence à la reconnaissance que nous pourrions en obtenir au lieu de la travailler pour ce qu'elle était, d'en faire une fin en soi.

Il faudrait toujours s’assurer que lorsque nous souhaitons être utiles, la compétence qui nous permet de l’être est une source de satisfaction en elle-même. Si on peut trouver à faire coïncider utilité avec plaisir égoïste alors il semble que ce soit une bonne formule. Si en plus vous avez une manière unique de vous rendre utile à de nombreuses personnes alors là votre fortune est sur la bonne voie.


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