top of page

Le syndrome de l'imposteur (1)

(Texte de O. Brenifier, traduit de l'Anglais par J. LECOQ) Ce texte est la première partie d'un article qui en comprendra 4.


1 - L'imposture circonstancielle

Un imposteur est une personne qui se fait passer pour quelqu'un d'autre afin de tromper les autres, peut-être même lui-même, généralement dans la perspective d'un gain frauduleux. Ce gain est généralement lié à l'obtention d'amour, de reconnaissance, renommée, de statut ou d'un avantage purement pratique. Le syndrome de l'imposteur se caractérise par le sentiment, légitime ou non, d'être un imposteur. Il indique le sentiment d'être un "faux existentiel". Il est généralement ressenti comme une expérience désagréable, car il implique un certain degré d'inconfort et d'aliénation à soi, un profond sentiment d’insatisfaction. Nous distinguerons deux types de tels imposteurs : le circonstanciel et l'ontologique.

Le circonstanciel subit cette expérience, ce complexe psychologique pour des raisons historiques personnelles. La dynamique de base est liée à la réception d'éloges, généralement dans l'enfance, qui ont indirectement inculqué au sujet un idéal du moi fort, une haute idée de soi, et en même temps un doute permanent sur la réalité ou la possibilité de cette « grandeur ».

Simultanément, les parents attestent de la grandeur de l'enfant, lui donnant l'injonction d'être donc à la hauteur de cette grandeur et l'enfant ressent une l'insécurité constante quant à la réalité de cette grandeur. Ainsi, les parents qui ne cessent de faire l'éloge de leurs enfants sous prétexte de renforcer leur confiance en eux produisent à la fois un idéal du moi ambitieux et la peur d’échouer, de ne pas être à la hauteur. C'est inévitable, car la réalité extérieure faite d'expériences diverses rappellera en permanence à l'enfant qui grandit qu'il n'est pas à la hauteur par rapport à ce qu'on lui a dit, puisqu'il va évidemment périodiquement échouer ou rencontrer des gens meilleurs que lui dans les diverses compétitions dans lesquelles il se sent impliqué. De manière plus perverse, toute confirmation de sa grandeur sera toujours reçue avec un degré élevé de suspicion, car cette personne aura développé la conviction forte et rationnelle qu'il a été trompé. De manière plus dramatique, une telle personne peut développer l'idée qu'elle ne mérite pas d'être aimée, puisque l'amour qu'elle a reçu initialement était basé sur une illusion ou une "arnaque". Ainsi, lorsqu'il recevra l'attestation d'amour de quelqu'un d'autre, soit il pensera que cela ne peut pas durer puisque « l'amant » est dupe et il sera forcément désillusionné à un moment donné. Ou bien le sujet soupçonnera que son amant est duplice et essaie simplement de la manipuler afin d'obtenir quelque chose d'illégitime. Par conséquent, l'« imposteur » mène une vie faite de peur, d'instabilité et d'insécurité, où tout le monde est impliqué dans un stratagème de manipulation. De même, comme avec ses parents, face aux manifestations d'amour ou de reconnaissance, il aura l'attitude contradictoire d'être à la fois satisfait et insatisfait, en colère et même méprisant envers ceux qui se livrent à cette opération de tromperie, car ils mentent ou sont simplement stupides s'ils sont sincères dans leur approbation ou leur affection. Le pauvre amant ne comprendra donc pas le changement d'humeur de l'imposteur qu'il aime, surpris par son irritation ou sa colère imprévisible. Le sujet est en effet persuadé qu'il ne joue qu'un rôle de « grandeur », qu'il fait semblant, comme le ferait un acteur, ou comme les enfants jouent au docteur ou au maître. Alternativement, il endossera ce rôle, agissant avec fierté ou arrogance, essayant sans cesse de montrer ou de prouver sa grandeur, la surjouant souvent, ce qu'on peut appeler le côté maniaque, ou bien il sera épuisé de ce jeu permanent de perception et de calculs et il abandonnera et cédera à ce qu'il considère comme la réalité, se livrant ainsi à la dépression ou au ressentiment. On peut déplorer que les parents ignorent ce phénomène, mais il faut comprendre que les pauvres parents ont du mal à renoncer à l'idée que leur enfant soit la huitième merveille du monde, pour leurs propres raisons existentielles : il est leur ultime chance de grandeur.


67 vues
bottom of page