L’accumulation de connaissances ne nous donne pas les moyens de décider parce que l'acte crée toujours une situation nouvelle qui obligera le Sujet à assumer la nouvelle réalité qu'il a créée par sa décision. C'est pourquoi plus nous accumulons de connaissances pour préparer une décision, plus nous nous rassurons, plus nous nous "vautrons" dans l’illusoire sécurité de celui qui pense maîtriser tous les paramètres, et plus la décision sera dure à prendre. Nous avons en effet en même temps l'intuition que la situation nouvellement créée recèlera son lot d'imprévus, entraînera d'autres décisions pour lesquelles nous n'aurons pas le luxe de la réflexion ou que d'autres prendront en réaction à notre décision, donc nous temporisons, nous procrastinons. En accumulant des connaissances sur la situation, nous augmentons aussi la complexité des conséquences possibles de la décision et cette complexité finit par nous dépasser ce qui génère de l’angoisse.
Nous ne pouvons prétendre anticiper les réactions d'autrui, alors que même nos propres réactions peuvent nous surprendre.
Décider est ainsi toujours un acte de foi, une impulsion du vouloir qui part d'un rien, une création ab nihilo, un être surgi du néant. C’est une pratique qui implique un recommencement à chaque fois mais qui développe aussi notre intuition, notre intelligence de la situation et notre courage, cette vertu quelque peu passée de mode. Le courage consiste à surmonter une crainte, fondée en raison et subjectivement ressentie, à agir contre ce que nous “dicte” notre crainte (fuis, rends-toi, abandonne, frappe, attaque), notre instinct, notre opinion, au nom d'un principe supérieur, que ce soit le devoir, une valeur (la fidélité à un ami, le respect de la vie, l’humanité…) ou un concept. Le courage n'est pas nécessairement intelligent ou stratégique, il peut en effet s'avérer néfaste pour le sujet mais c’est toujours une attitude qui inspire le respect car elle nous montre que la liberté n’est pas toujours de faire ce qui nous plait mais parfois ce qu’on pense devoir.
Décider, c'est finalement sauter dans l'inconnu avec une foi quasi mystique. Chaque décision est une création ex nihilo, une affirmation de notre liberté face à l'incertitude. Nous ne pouvons jamais totalement prévoir les réactions des autres, ni même les nôtres. C'est cette imprévisibilité qui rend l'acte de décider si terrifiant et pourtant si vital. Lechalonphilo.com