A rien a priori me direz-vous. Le sarcasme est méchant, il prend autrui comme objet de défoulement de notre ressentiment, il ne fait que rendre autrui triste ou agressif sans vraiment le faire réfléchir, il peut humilier autrui sans que l'humiliation ne lui serve de leçon puisqu'il n'y a dans le sarcasme, contrairement à l'ironie, pas de message, pas d’enseignement. Le sarcastique dit le contraire de ce qu’il pense sans montrer qu’il pense le contraire de ce qu’il dit, au contraire de l’ironiste qui cherche à se faire comprendre tout en disant le contraire de ce qu’il pense (vous pouvez relire deux fois cette phrase). Le sarcastique se cache quand l’ironiste agit en pleine lumière.
Le sarcasme est au service de la volonté malsaine de celui qui s'en sert, il est egocentrique et témoigne d'une forme de mal-être de celui qui l'utilise. Le sarcasme peut provoquer diverses réactions : le sentiment d'injustice, la honte, la colère, l'impuissance. Le sarcastique appuie en général là où cela fait mal et sait que l'autre qui est l'objet des sarcasmes ne pourra pas opposer de résistance, le sarcastique étant en général en position de relative impunité : il sait qu'il n'encourt pas de représailles à être sarcastique car autrui lui est redevable ou indifférent. Ainsi est-on plus facilement sarcastique dans un groupe qui se tourne vers un souffre-douleur ou un bouc-émissaire car le collectif protège le sarcastique. Dans la classe par exemple chacun y va de sa petite méchanceté contre le souffre-douleur et l'enfant différent et faible est souvent l'objet de sarcasmes, comme celui qui a une difformité physique, celui qui est affublé d'un bec de lièvre ou d'un bégaiement par exemple.
Le sarcasme est facile, complaisant, il nous permet de vérifier à peu de frais notre "supériorité" sur autrui (lui qui est laid, stupide, qui ne sait pas bien parler, qui est étranger, pauvre, mal habillé etc…) et de l’exclure sous un prétexte de différence.
Quand le sarcasme s'adresse au puissant il devient dangereux pour celui qui l'utilise mais ce n'est pourtant pas encore l'insulte. En temps de guerre il est utilisé comme outil de propagande contre l’ennemi.
Le sarcasme se pare en effet des atours de l'humour pour exagérer le défaut d'autrui. On a du mal en fait à imaginer que l'on puisse être sarcastique face à un puissant car le puissant a des moyens de rétorsion contre les sarcasmes : il peut vous faire taire par son intelligence, son humour ou tout simplement par la force. Par exemple en vous retournant un sarcasme encore plus méchant, un mot encore plus brillant ou bien en vous confrontant et en vous sommant d'aller "au bout de votre pensée ». C'est que le sarcasme ne va au bout de rien, il n'est qu'une monstration du doigt, un coup de projecteur sur un détail exagéré qui est tourné en dérision et il ne veut surtout pas aller au bout de sa pensée car elle est vide.
En revanche le sarcasme en dit long sur le sarcastique et peut par conséquent être fort utile pour ceux qui l'observent sans en être directement victimes. Le sarcasme est en effet une attaque ad hominem qui vise l’être dans sa singularité.
Un sarcasme utile serait celui qui toucherait l’homme dans son universalité puisqu’il inclurait le sarcastique.
Le sarcasme veut détruire et faire rire autrui par sa méchanceté alors que l'ironie est constructive. Le sarcasme est lâche car il ne prend pas de risque : il s'attaque à celui qui ne peut se défendre soit qu'il ne puisse rien changer à ce qui lui attire les sarcasmes (comme un défaut physique par exemple) soit que le sarcasme opère derrière son dos. Le sarcasme agit comme défouloir pour la frustration ressentie par le sarcastique alors que l'ironie est légère et joyeuse. Le sarcasme est l'arme des aigris quand l'ironie est celle des forts, des sereins et confiants.
Pris en flagrant délit le sarcastique n'assumera pas et voudra minimiser son acte : "c'était juste pour rire ou pour amuser la galerie" se défendra-t-il. Le sarcastique se sent seul, il a peur et veut attirer à lui les envieux pour en faire sa tribune. Les Juifs ont souvent été l'objet de sarcasmes par exemple, jusqu'à ce que la haine sous-jacente dans tout sarcasme se cristallise en violence pure comme au moment de l'affaire Dreyfus en France puis pendant l’occupation allemande et le gouvernement de Vichy. Encore une fois le Juif fait l'objet de toutes les caricatures physiques, dessiné avec un nez crochu, en banquier adipeux et avide, il est membre d’une communauté qui le désigne pour tous les sarcasmes.
A l’heure des réseaux sociaux où toute subjectivité peut s’exprimer sans filtre, d’autant plus qu’elle est confirmée par une audience qui « pense pareil », le sarcasme a encore de beaux jours devant lui.
Et vous, êtes-vous parfois sarcastique ?
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