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Le prestige




Le prestige est le phénomène qui consiste à octroyer une valeur apparente immédiate à une institution, une vie, une action, et qui provoque une admiration spontanée envers la personne qui y est associée.

Le prestige est une réputation très favorable qui génère chez la plupart d’entre nous des idées de grandeur, d'intelligence, de bravoure, d’exception, de réussite, de qualité, selon le type de prestige. Nous attribuons sans réfléchir une grande valeur à une personne auréolée de prestige. Ainsi celui qui recherche le prestige veut se faire admirer en bénéficiant d'une aura que lui procure le statut de "prestigieux".

On peut appartenir à une famille ou lignée prestigieuse, avoir fait une école prestigieuse, avoir un métier prestigieux, appartenir à un corps prestigieux (par exemple les Inspecteurs des Finances dans la Fonction Publique en France) mais une personne n'est pas à proprement parler prestigieuse en elle-même.

Il y a toujours dans la notion de prestige celle de l'appartenance à une élite, une entité dont le prestige déteint sur le sujet mais qui ne vient pas de lui directement. Dans la mesure où il est très répandu de vouloir se faire admirer, reconnaitre ou aimer, pour diverses raisons, le prestige est un raccourci qui nous fait bénéficier d'un a priori favorable dans l'esprit des gens qui ne nous connaissent pas. Le prestige, comme la réputation, nous précède et déroule son tapis rouge. Le prestige est un motif de fierté pour celui qui en bénéficie par "ruissellement".

Le prestige dérive du latin praestigium qui signifie illusion. Le prestige escamote, cache, pour faire apparaître ce que chacun y projette (en général ses propres défaillances), il détourne l'attention critique du public pour lui montrer ce qu'il veut qu'il croie, ce qui est très confortable pour la personne qui en bénéficie.

Ainsi lorsque quelqu'un vient d'une école prestigieuse, on lui accorde a priori une forme d'excellence, d'intelligence et de valeur intégrale par ricochet. Le prestige exerce une forme d’autorité morale sur ceux qui y sont sensibles. Pour celui ou celle issu·e d’une école prestigieuse par exemple il est facile de faire illusion et faire croire au public qu'il·elle est plus que ce qu'il·elle est : plus savant·e, plus intelligent·e, plus courageux·se ou plus méritant·e. Le prestige dont il·elle bénéficie lui permet de masquer ses côtés moins glorieux, pour le crédit qu’on lui donne il·elle en profite pour s’adonner à des vices qu’on lui passera plus facilement.

Cela n'enlève évidemment rien au mérite par exemple de l'élève qui a sué sang et eau pour passer des concours très difficiles et sélectifs mais il peut lui aussi avoir été trompé par un miroir aux alouettes. Aveuglé par le prestige de son école il se sera donné à fond pour atteindre le Graal et se trouvera quelque peu déçu une fois entré dans le « saint des saints » : il a réussi mais il n'obtient pas la grâce ni le salut éternel qu'il avait naïvement visé, il voit que ce n'était qu'une étape et que c'est peut-être moins le diplôme qui est important que l'habitude de travail que lui a donnée la préparation pour l’obtenir, le processus plus que le résultat. Certaines professions vivent ainsi sur une image prestigieuse qui ne correspond plus à la réalité de leur métier mais continuent à entretenir cette image car elle leur assure un vivier de candidats qui contribuent à maintenir un haut niveau de sélectivité ce qui maintient le prestige en retour : on se dit en effet que si c’est si sélectif c’est que ça doit être très bien.

Les êtres humains étant ce qu'ils sont, des êtres facilement impressionnables et sociaux, le prestige demeurera toujours une puissante force d'attraction pour les hommes et ils chercheront toujours à en acquérir afin de plaire à leurs semblables. Le prestige est ce qui distingue les hommes les uns des autres, aussi les grandes institutions sont-elles des lieux de fabrique du prestige, elle distribuent facilement des distinctions : médailles, diplômes, titres, afin de récompenser par les honneurs les prétendu mérites de leurs serviteurs comme la Légion d’Honneur. Tout Etat se doit d'entretenir le prestige de ses institutions afin de continuer à être un aimant pour les forces vives et talentueuses d’un pays.


Le prestige est une forme d'autorité que l'on a sur les faibles d'esprit. Heureusement certaines personnes ne sont pas du tout sensibles au prestige et demandent toujours au sujet de faire ses preuves sur le terrain, en situation, au-delà de l'aura dont peut bénéficier l'institution prestigieuse dont il est issu. Elles se méfient, peut-être depuis la Révolution Française et l'abolition des privilèges, des titres ronflants et signes de distinction qui témoigneraient d'une extraction au-dessus de la masse du peuple. Le prestige est un puissant ferment de l'élite : l'élite se forme autour de la notion de prestige et souhaite qu’il se perpétue au-delà d'elle à travers les générations futures (Bourdieu parlait à ce propos de la reproduction des élites).

Le prestige introduit une forme nouvelle d'aristocratie : les institutions prestigieuses tentent de se reproduire, de se perpétuer en défendant leur réputation face à de nouveaux entrants sur le marché du prestige qui est en constante évolution. On pourrait ainsi concevoir un indice de prestige pour chaque institution, formation, équipe. Le prestige est une notion qui émane d'un collectif qui a atteint une forme d'excellence et a attiré à lui de nouvelles recrues, fort de son prestige justement. Cependant au contraire de l'aristocratie qui n'a pas de mérite du fait de sa naissance, l'aristocratie du prestige est traversée par la notion de mérite : le prestige ne s'acquiert pas facilement, par définition. Il nécessite de faire beaucoup d'efforts et sanctionne nécessairement un accomplissement, une réussite, un travail, un examen et un concours en général. Cependant il ne signifie pas que les personnes qui en ont bénéficié sont définitivement arrivées, peuvent se reposer et ont plus de valeur que celles qui en sont privées. C'est pourtant le risque du prestige de se prendre pour plus qu'il n'est, de s'ériger en qualité absolue qui rendra ses bénéficiaires arrogants et complaisants envers leurs pairs. Ainsi voit-on de manière quelque peu ridicule des faire-part de décès indiquant “M. Martin, ancien de l’X (promotion 65) mort dans sa 87ème année.”

Et vous, quelle est votre relation au prestige ?

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