3 - Addiction
Un aspect remarquable du syndrome de l'imposteur circonstanciel est sa dimension addictive. Face à son sentiment de nullité ou de néant, la «victime» du syndrome d'imposteur « a besoin » en permanence - bien qu'on puisse appeler cela un goût acquis - de réitérer les mots et actions qui furent la cause initiale de son problème, comme dans une addiction à la drogue. "elle a besoin de la caresse apaisante de ces mots qui l'ont fait se sentir si bien et merveilleuse" Même si, comme dans la toxicomanie, la «victime» reste assez consciente de la dimension pathologique ou illusoire de cette dépendance. Il est possible qu'en grandissant, elle reconnaisse le côté malsain de cette relation et la dépasse, mais une nouvelle source de louanges pourrait facilement réveiller l'addiction. Comme une exigence très narcissique, elle a besoin de la caresse apaisante de ces mots qui l'ont fait se sentir si bien et merveilleuse, d’entendre la confirmation de sa propre valeur, les louanges de ses actes, la valeur de son être. Plus elle se sent nulle, plus elle a besoin de cette confirmation, plus elle l'obtient, plus elle s'en méfie ou s'en lasse et se sent nulle.
Dans le même temps, les personnes atteintes du syndrome de l'imposteur donnent le pouvoir par défaut à ceux qui leur accordent la moindre attention, puisqu'elles y sont "accro". C'est ainsi qu'elles pourront aussi être manipulées, pour diverses raisons. Soit parce que le laudateur veut sciemment obtenir quelque chose de sa «victime», ce qui constitue une technique basique de manipulation dans la séduction par exemple, soit simplement parce qu'il a lui-même un besoin compulsif : le besoin qu'on ait besoin de lui, ce qu'on pourrait appeler une codépendance. Ce phénomène est fréquent dans les relations familiales, entre parents et enfants, ou au sein d'un couple. De plus, en faisant l'éloge « des nôtres », nous faisons notre propre éloge. Ainsi, cette dépendance commence souvent très tôt car l'enfant était très souvent et très facilement admiré. Et même si en grandissant il se rend compte de l'illusion et voit avec scepticisme l'admiration dont il est l'objet, il en est néanmoins très friand. "Elle doute de la reconnaissance elle-même, mais se méfie aussi du pouvoir que prend le laudateur car elle craint la manipulation." Ce phénomène se produit couramment dans les relations amoureuses, où l'on aime entendre «les mots», hyperboliques et excessifs, mais toujours agréables à l'oreille et à l'esprit. Si le phénomène est compréhensible, son excès est problématique. Et curieusement, plus quelqu'un a du mal à croire qu'il peut être aimé, plus il a besoin d'être félicité, alors qu'en même temps il devient très méfiant à propos de ces louanges, et même en colère contre elles. De manière préconsciente l'addiction et sa facticité sont perçues. De même, la « victime » reconnaît le pouvoir qu'autrui peut avoir sur elle lorsqu'elle lui accorde cette reconnaissance tant désirée. Elle doute de la reconnaissance elle-même, mais se méfie aussi du pouvoir que prend le laudateur car elle craint la manipulation. Une petite dose de reconnaissance laisse le «drogué» en manque, ce qui réveille l'addiction. Et le laudateur est le « trafiquant de drogue » qui a le pouvoir, puisque c'est lui qui décide de comment, quand et en quelle quantité la reconnaissance sera accordée. Le laudateur, en fournissant la reconnaissance, est nécessairement aussi celui qui la refuse et il peut être haï pour cela, y compris dans une relation amoureuse. Il ne faut donc pas s'étonner de la puissance et de l'insatiabilité des prières et attentes de celui qui est frappé par le sentiment d'imposture.
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