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Les consolations de l'existence : - Le retrait du monde - Les rêveries du promeneur solitaire (Rousseau)




L’être humain souffre. De ses limites, de sa finitude, de la distance entre son être et ses aspirations, de la fracture de son être, éclaté entre diverses aspirations ou pulsions, de la tension entre son individualité et son entourage. Pour compenser, pour traiter sa douleur à défaut de la guérir, nous nous inventons des consolations, diverses manières d’exister qui nous permettent de survivre existentiellement. Certes, on peut aussi nommer cela « projet de vie » ou « manière d’être ». Nous le nommons consolation. Et nous relisons divers auteurs dans cette perspective, afin de comprendre comment chacun de nous se console, chacun à sa façon.


« Me voici donc seul sur la terre, n'ayant plus de frère, de prochain, d'ami, de société que moi-même. Le plus sociable et le plus aimant des humains en a été proscrit par un accord unanime. Ils ont cherché, dans les raffinements de leur haine, quel tourment pouvait être le plus cruel à mon ame sensible, et ils ont brisé violemment tous les liens qui m'attachaient à eux. »


Ainsi Jean-Jacques Rousseau parle dans ses Rêveries du promeneur solitaire. Sentant la fin, il a besoin de donner une certaine valeur à son existence. «Je dédie mes derniers jours à m'étudier, à préparer le récit que je vais bientôt donner de mon être.» Lutter contre le sentiment du vide.

 

La description tragique de son état actuel est visiblement exagérée, ce qu'on peut appeler la création d'un mythe. Ce n'est pas que ce que l'auteur écrit est totalement inventé. La notoriété de ses écrits, la critique de la société et des institutions, lui ont valu à la fois des amis et des ennemis, en particulier l'Église, ce qui l'oblige à changer régulièrement de résidence. Mais à différents moments, il est protégé et honoré par diverses personnalités importantes. Clairement, la description de lui-même comme totalement isolé est plutôt inventée. Ainsi, il fabrique une fiction à partir de lui-même et de sa propre vie. Se poser en victime est une entreprise plutôt populaire, un moyen de justifier nos échecs et nos frustrations, et donc d'être réévalué à nos propres yeux. Bien que certaines personnes préfèrent inventer leur vie sur un registre plus héroïque.


"Tout ce qui est en dehors de moi est étranger à moi maintenant. Je n'ai plus dans ce monde ni voisin, ni camarade, ni frère. Je suis sur la Terre comme sur une planète étrangère où je serais tombé de celle que j'habitais. Si je reconnais certaines choses autour de moi, ce ne sont que des objets affligeants et déchirants, et je ne peux pas regarder ce qui me touche et m'entoure, sans toujours y trouver un motif de dédain qui m'offense ou de douleur qui m’afflige".


En n'ayant plus rien à faire avec le monde, où tout est mauvais ou dégoûtant, en s'échappant et en dénonçant le mal, on devient un saint, un " unique ", quelqu'un de très spécial. Une belle histoire sombre quelque peu apaisante pour une douleur existentielle.

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