"Il ne voulait pas être banal. Il voulait être original. Il était avide, pressé et ambitieux. Comment peut-on être plus banal ?" (O. Brenifier)
Celui qui veut être original veut se distinguer au regard d'autrui, il a donc un souci d'image, de reconnaissance. Il n'est pas assuré de ce qu'il est, autrement pourquoi voudrait-il exister dans les yeux d'autrui ? Il ne se reconnaît pas lui-même, ne se donne pas ou peu de valeur. Sa valeur il l'attend de la reconnaissance d'autrui. Il fera tout pour être original : ce faisant il ne fait que se conformer à ce qu'il imagine que les autres voudraient qu'il soit.
D'une part il est donc conformiste, ce qui est proprement le contraire de l'originalité, qui implique de créer et non de se conformer. D'autre part il est prétentieux parce qu'il prétend :
- que les autres devraient s'intéressent à lui alors que la plupart des autres ne s’intéressent qu’à eux-mêmes
- qu’il sait l’image qu’ils attendent qu’on leur renvoie : il pense à leur place
Ceci dit, à l'heure où l'humilité est une valeur cardinale, cette prétention pourrait le rendre quelque peu original, à son insu malheureusement.
piètre penseur, superficiel car trop occupé à passer d'une idée à l'autre pour paraître intelligent
Il est donc avide de reconnaissance, de récompenses, voire de gloire. Étant avide il sera également aveuglé par son désir, il fera un piètre penseur, superficiel car plus préoccupé à passer d'une idée à l'autre pour paraître intelligent qu'à approfondir une idée. Encore une fois, être superficiel et avide, donc incapable de choisir, de se poser pour réfléchir, est d'une affligeante banalité. Pour l'originalité, on reviendra donc.
Il est pressé : pressé par son désir d'originalité, il se précipite, saute du coq à l'âne, rate des opportunités car il ne sait pas accueillir ce qui survient, touche à tout mais ne se risque à rien. Il ne prend pas le temps, se laisse submerger : il est confus, pense mal (car il ne sait pas suspendre son jugement et par conséquent fait sienne la première idée qui lui convient), on ne le comprend pas, on ne le prend pas au sérieux. Souvent il s’impatiente, ce qui n’arrange pas son affaire. Encore un banal qui veut faire l'original.
Il est ambitieux : il veut gravir les échelons, faire partie de l'élite, il veut arriver, parvenir, entrer dans la Cour des Grands : il ne parviendra qu'au sommet de la banalité. Je suis sûr que vous avez une personne en tête qui correspond bien à ce schéma.
Au passage je remarque que le fait de se démarquer est d'ailleurs l'essence de la publicité et du marketing : pour se démarquer de la concurrence, il faut être original, sinon on devient "inaudible" ou "invisible" ce qui est la pire des choses pour quelqu'un qui veut se faire remarquer. La publicité et le marketing, loin de créer des concepts, sont au contraire l'essence de la banalité humaine.
Alors comment faire ?
Nous pourrions assumer joyeusement notre banalité, notre médiocrité, notre platitude, notre conformisme. Mais est-ce qu'une histoire banale peut encore intéresser quelqu'un ? Comment nous réconcilier avec la banalité, voire y trouver du plaisir ?
Nous faisons un drame de la mort, de l’échec, de la précarité, de la souffrance, de la solitude. Pourtant quoi de plus banal que ces phénomènes ?
La banalité a pourtant un gros avantage, elle tranquillise face au drame que nous créons, elle rassure. Nous faisons un drame de la mort, de l’échec, de la précarité, de la souffrance, de la solitude. Pourtant quoi de plus banal que ces phénomènes ?
En les banalisant nous les oublierions et ils ne nous parasiteraient pas l'esprit. La banalité nous rassure : si tout ce que nous percevions était original, nouveau, nous serions submergés par la surprise, l'étonnement et serions bientôt foudroyés sur place par tant de surprise : notre esprit deviendrait complètement vide, paralysé et incapable de penser.
Si vous voulez vraiment être original, pensez la banalité de votre être.
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