Les consolations de l'existence : L'appartenance au groupe - Le Vilain Petit Canard
- Jérôme Lecoq
- il y a 18 heures
- 2 min de lecture

L’être humain souffre. De ses limites, de sa finitude, de la distance entre son être et ses aspirations, de la fracture de son être, éclaté entre diverses aspirations ou pulsions, de la tension entre son individualité et son entourage. Pour compenser, pour traiter sa douleur à défaut de la guérir, nous nous inventons des consolations, diverses manières d’exister qui nous permettent de survivre existentiellement. Certes, on peut aussi nommer cela « projet de vie » ou « manière d’être ». Nous le nommons consolation. Et nous relisons divers auteurs dans cette perspective, afin de comprendre comment chacun de nous se console, chacun à sa façon.
Il y a différentes manières de lire le conte d'Andersen: «Le Vilain Petit Canard», ce pauvre oiseau menant une vie misérable jusqu'à la fin heureuse. Une façon d'interpréter cette fable est que le héros ignore d'abord sa propre identité : il n'est pas un canard, une réalité qu'il découvrira lorsqu'il rencontrera les cygnes. Une autre est qu'il est laid dans sa jeunesse parce qu'il n'est pas encore lui-même, il deviendra son vrai "lui" à mesure qu'il se développera, puis deviendra beau.
L'angle que nous proposons ici est qu'il sera exaucé lorsqu'il rencontrera «les siens» : il sera satisfait et se soulagera de sa douleur quand il aura rejoint un groupe qui l'acceptera et le reconnaîtra pour ce qu'il est vraiment. En d'autres termes, ce n'est pas tant qu'il découvre sa véritable identité et qu'il devient beau, mais plutôt que l'intégration dans une communauté donne un sens à son être et lui procure de la valeur, le rend beau à ses yeux puis aux yeux du monde. C'est d'ailleurs un problème courant pour la plupart des êtres humains, puisque, selon Aristote, "L'homme est par nature un animal social. Un individu qui est non social naturellement et de manière non-accidentelle serait soit indigne de notre attention soit plus qu'humain".
Maman canard, qualifiée d'intellectuellement "plutôt limitée", s'énerve devant la lenteur de cet œuf bizarre qui n'éclot pas aussi vite que les autres. Bien que, bonne mère, elle essaie plus tard de le protéger quand d'autres animaux harcèlent notre héros à cause de son apparence étrange. La vie est très dure pour le pauvre caneton : il est insulté, raillé, battu par tous; il se désespère de paraître si laid. Même ses frères ont honte de lui. Alors il s'envole. Mais à l'extérieur, il rencontre le même ostracisme, plus ou moins violent, selon les circonstances.
Il semble décevoir tous ceux qu'il rencontre car sa façon d'être ne correspond jamais aux critères sociaux locaux établis. Bien qu'une poule "bienveillante" essaie de l'aider : "Pourquoi n'apprends-tu pas de nous la sagesse ! Tu es un être grossier et ignorant, c'est une dure vérité, mais c'est pour ton bien que je te dis cela !". Enfin, au bord du désespoir, il se reconnaîtra dans un groupe de cygnes qui l'accueilleront avec beaucoup d'affection, juste comme il est ... Enfin un endroit où il est à sa place... Pas étonnant que ces animaux paraissent si beaux !
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