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Peut-on échapper à la rigidité intellectuelle ?




Dogmatique

La rigidité intellectuelle consiste principalement en un dogmatisme, une appétence pour les certitudes que viennent en général nourrir une certaine culture générale ou technique. Le rigide a Des idées bien arrêtées, Des principes fermement ancrés et il se raidiT à l'approche de la moindre idée susceptible de saper le fondement de ses croyances. Toute idée extérieure est vue comme un agent pathogène mettant en branle les anticorps de son esprit pour détruire l’intrus.

Au fond, c'est un grand peureux de la vie. La vie en effet n'est qu'un tissu d'incertitudes, rien n'est nécessaire ou certain (à part la mort et les impôts comme disent les Anglais) : se réfugier et se complaire dans ses certitudes revient donc à se protéger du flux de la vie et de ses aléas.

La rigidité intellectuelle est une catastrophe pour la pensée parce qu'elle nous empêche de nous ouvrir à l'altérité, au questionnement, à la remise en cause. Le rigide n'apprend plus, il sait déjà, il n’est pas généreux, ne donne pas mais impose ou critique pour détruire.

Tout au plus essaie-t-il de convaincre ceux qui n'ont pas comme lui vu la Lumière. Il va vers ceux qui confortent les opinions qu'il a déjà. Dès lors son esprit s'étiole parce qu'il ne s'entraîne plus à la pensée, dans la mesure où penser consiste avant tout à dialoguer. Or on ne dialogue pas avec un dogmatique : soit on l'écoute poliment, soit on essaie de le combattre, soit encore on l'évite.

Le rigide s'enferme tout droit vers la mort de sa pensée en même temps qu'il fait le vide autour de lui, ce qui amplifie encore sa rigidité puisque la contradiction se raréfie encore davantage et le conforte dans ses certitudes. Le rigide s’enferme vite dans un cercle vicieux.

Origine psychologique et cognitive

Mais pourquoi donc est-on ou devient-on rigide ?

Premièrement la peur fait une candidate idéale : quand on a peur, le réflexe est de se fermer, de se protéger, de fuir ou d'attaquer. La peur est un comportement d'évitement d'un danger réel ou fantasmé. La peur paralyse, fige, glace, immobilise plus qu'elle ne pousse à l'action, à moins qu'il ne s'agisse de prendre ses jambes à son cou, ce qui n'est pas toujours possible. Celui qui a peur ne pense pas : dans le meilleur des cas il calcule rapidement et froidement ses chances de survie et pare au plus pressé afin de retrouver une "zone de confort" psychologique. Dans le pire des cas, il panique au risque d’augmenter encore le risque.

La peur ne fait que développer notre rigidité et notre désir de contrôler tout ce qui nous arrive, puisque tout ce qui est incontrôlable (et ce qui est libre est incontrôlable, comme la pensée par exemple) est susceptible de nous menacer. Quand on ne peut tout contrôler nous-mêmes, on se soumettra à quelqu'un qui le fait pour nous ou à quelque chose comme une règle, une procédure, une loi, une injonction.

Évidemment, c'est une émotion qui est l'exact opposé de l'attitude qu'il faut pour développer sa souplesse de pensée : curiosité, ouverture, suspension du jugement, confiance et joie.

Deuxièmement, l'obsession est également une cause très puissante de rigidité. Comme disait Alain "rien n'est pire qu'une idée quand on n'en a qu'une seule". L'obsédé est celui qui a une idée fixe. Cette idée agit comme un trou noir pour son esprit : ses attitudes et sa pensée sont attirées par ce centre de gravité invisible, il les oriente toutes dans sa direction jusqu'à les avaler pour les faires siennes.

Il y a des personnalités de type obsessionnel qui auront toujours une ou plusieurs idées fixes (en la matière d'ailleurs la multiplicité est plutôt une bonne chose car les idées fixes peuvent se faire une saine concurrence entre elles) au gré de leurs lubies : nous citions la peur plus haut, qui nous obsède tant que l'objet réel ou fictif de notre peur n'a pas disparu.

Il y a évidemment aussi l'amour passion où c'est l'être aimé qui nous obsède et nous transforme en jaloux comme l'a magnifiquement décrit Proust avec Odette pour Swann ou Albertine pour lui-même. Par extension toute passion dévorante a un pouvoir obsessionnel et nous rend par conséquent susceptible d'aveuglement, de fermeture, de tyrannie et donc de rigidité. Ce peut être la passion du jeu, du sexe ou de la séduction, de l'argent, du pouvoir ou de la gloire.

Conditionnement technologique

Troisièmement, notre environnement hyper-connecté favorise la rigidité intellectuelle. En effet, la curiosité est un moteur essentiel pour travailler notre esprit, pour l’assouplir : il faut s'intéresser aux choses, avoir le désir de comprendre, s’étonner. Mais pour cela il faut être disponible dans sa tête. Pour être disponible, il faut se trouver dans un environnement où nous avons fait cesser les sollicitations intempestives, les demandes prétendument urgentes, les sources de distraction, de détournement de notre attention par des stratégies de renforcement des gratifications et du plaisir en général.

Toutes stratégies que mettent justement en place les acteurs du numérique, les GAFA étant les plus emblématiques d'entre eux. Si chaque moment de votre vie, en dehors du travail où vous êtes censé être concentré à votre tâche, est occupé à lire des commentaires sur votre page FB, à poster des photos, à regarder des vidéos, à jouer à des jeux stupides sur votre mobile, à répondre à des SMS de vos amis ou collègues, alors vous vous laissez enfermer dans une occupation et une préoccupation permanentes. Dans cet état vous ne pouvez plus développer votre curiosité puisque vous n'êtes plus disponible pour la contemplation, la rêverie, la flânerie. Il est donc nécessaire de résister activement à cette poussée vers le divertissement permanent.

Dans cette "économie de l'attention" la curiosité risque de devenir une compétence rare tant nous serons blasés et saturés de sollicitations dans tous les sens.

En tuant notre curiosité, toutes ces sollicitations nous rendent comme hébétés, engourdis, apathiques et par conséquent rigides, incapables de mettre en mouvement notre pensée en nous intéressant à de petites choses banales. Sans parler du fait que les gratifications immédiates des réseaux sociaux nous rendent addicts à ces formes d'interactions et constituent une autre forme d'obsession par défaut, ce qui nous fait revenir au problème plus haut.

Vieillissement

Quatrièmement, le temps qui passe n’arrange rien à l’affaire.

Avec le temps nous acquérons de l'expérience, des façons de faire, des habitudes qui finissent par nous dispenser de penser. Nous avons des routines, un certain confort de vie, un environnement familier qui nous conviennent bien comme cela. Ce confort nous pousse à la paresse, à la préservation ce que nous pensons avoir acquis, nous fait nous imaginer que “nous sommes arrivés” (au succès par exemple, à la sagesse ou à la maturité) et nous invite à une posture défensive et par conséquent à la fermeture, la crispation et la rigidité. Nous nous endormons sur nos prétendus “lauriers”.

Nous vieillissons enfin physiquement et notre esprit qui pense grâce à son substrat matériel, le cerveau, se rigidifie aussi naturellement avec le temps : notre mémoire, notre vivacité d'esprit, notre curiosité et notre fraîcheur intellectuelle s'amoindrissent à mesure que notre monde s'appauvrit, a fortiori si nous ne l'entretenons et le fortifions pas avec des exercices comme nous le faisons pour notre corps.

Remèdes ?

Cette rigidification, cet enkystement, cette ossification est-elle une fatalité ou pouvons-nous au moins tenter de conserver voire de développer une certaine souplesse et agilité intellectuelle ?

C’est ce que vous pourrez découvrir en essayant une consultation philosophique


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