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Il n'y a pas de faits, il n'y a que des interprétations




"Les faits sont des constructions mentales. Néanmoins, ils existent. Ce sont simplement des constructions mentales qui résistent de manière plus agressive à toute critique ou déconstruction." (O.B.)



Les faits sont des constructions. Je vois le soleil qui brille dehors. C’est un fait. Pourtant je signifie ce fait par une phrase avec des mots, je construis mentalement ce que signifie pour moi le phénomène que je perçois. Une autre personne verra aussi le soleil mais peut être pour elle sera-t-il juste là sans briller. Il y aura deux faits : le soleil est là, le soleil brille. Une autre dira peut être “il n’y a pas de nuages” et donnera une autre construction mentale par l’absence, la négation. Ce qui est permanent c’est qu’il y a quelque chose qui provoque des constructions mentales, il y a un phénomène.

 

Mais Kant nous dit que nous ne pouvons pas connaître ce “phénomène en soi” parce que nous ne connaissons des choses que ce qui nous y mettons a priori (Critique de la Raison Pure). Nous construisons la réalité avec les catégories de notre perception et nous savons bien qu’un aveugle ou un daltonien ne voit pas la même chose que nous même s’il peut s’accorder sur le même nom.

Ainsi nous accordons nos constructions mais il n’y a pas de faits, que des constructions et donc des interprétations. Seulement certaines constructions sont tellement habituelles, pratiques et partagées que nous finissons par les hypostasier, les transformer en absolus, en fait. On a longtemps pensé que la terre était plate, c'était un fait. Puis on a trouvé qu’elle était ronde c’est devenu un autre fait. Ce dernier résiste depuis longtemps à la critique mais il finira probablement par tomber lui aussi quand nous aurons trouvé un concept plus adéquat pour décrire ce que nous voyons quand nous percevons le phénomène “Terre”. Il disparaîtra quand nous aurons trouvé un meilleur fait pour décrire ce phénomène.


Evidemment les faits sont tenaces par rapport à nos constructions fantaisistes et il ne s’agit pas de tout mettre en doute par pure spéculation intellectuelle. Nous construisons en général des représentations parce qu’elles nous sont utiles et les lâchons lorsqu’elles perdent leur utilité. Il est utile de savoir que la terre est ronde si je veux faire le tour du monde par exemple car je sais qu’en allant toujours tout droit je finirai par revenir ou j’étais.


Souvent on nous présente comme un fait (ou un constat) ce qui n’est qu’une interprétation pour la simple raison qu’on veut nous imposer nos représentations, nos interprétations, nos constructions. Je préfère toujours ma construction à celle des autres car c’est la mienne.

Il est souvent intéressant de multiplier les perspectives pour avoir des angles de vue différent sur un même “phénomène”.


Premièrement pour avoir une vue plus objective et donc plus partageable, plus universalisable et donc plus utilisable pour les autres.


Deuxièmement pour habituer sa pensée à la critique, à la prise de distance par rapport à nos propres opinions et à la souplesse de l’esprit.


Troisièmement pour éprouver la construction comme lorsqu’on fait subir des tests de matériau en usine, un stress test : on peut voir également cette construction comme une cellule vivante qui pour mieux se défendre va utiliser son environnement, voire se modifier de l’intérieur pour mieux résister aux attaques.


Ainsi la construction s’étoffe et s’affine, le fait s’adapte afin de mieux résister à la critique, c’est exactement ce qui se passe en Histoire : on pense comme un fait que Homère a écrit L'Illiade puis on s'aperçoit que c’est surement un collectif anonyme qui en est l’auteur de même qu’Aristote n’a pas écrit grand chose mais que ce sont ses élèves qui ont retranscrit son cours.


La notion d’auteur est remise en cause à travers ce phénomène collectif de même que Rembrandt n’a pas peint certains tableaux mais y a juste apposé de logo de son école. Ce qui n’enlève rien au phénomène esthétique que constitue la vision d’une oeuvre d’art. D’ailleurs une oeuvre d’art est elle un fait ou ne vit elle qu’à travers la perception et donc la construction mentale des autres. Si ce n'était qu’un fait, ce serait un amas désordonné de peintures de différentes couleurs sur une toile à l'intérieur d’un cadre en bois.

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