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Pour un agora dans l'entreprise



Décalage entre discours et pratique


On constate très souvent dans les entreprises une tension entre ce que l’organisation et ses dirigeants veulent, prescrivent, commandent et ce que font concrètement et réellement ses acteurs « sur le terrain ». Il y a toujours un hiatus entre ces deux pôles. Dans l’idéal les deux devraient se rejoindre : les procédures devraient s’adapter aux meilleures pratiques telles que remontées par ceux qui les développent et les pratiques devraient intégrer les normes, comportements attendus, exigences et autres visions stratégiques. Le problème n’est pas qu’il existe un hiatus mais qu’il s’agrandisse sans que personne n’y fasse rien, jusqu’à ce que le précipice s’ouvre pour déclencher une crise majeure. Les chefs ferment les yeux tant que les résultats sont là et les subordonnés s’arrangent pour donner le change en compensant : ils contournent la procédure jugée inadaptée et obtiennent malgré tout le résultat cherché. Ce faisant les deux sont responsables de la dégradation continue de la cohérence de l’action globale de l’entreprise.

Pour remédier à ce décalage grandissant entre ce qui est prescrit et ce qui est réellement fait, il suffit pourtant d’une action très simple : le dire et le penser ensemble, en faire le sujet d’un dialogue. Or ce dialogue est quasi inexistant dans de nombreuses organisations. Plusieurs raisons sont possibles à cet état de fait.


Pourquoi le dialogue est-il inexistant ?

Premièrement les managers sont eux-mêmes dans cette situation vis-à-vis de leur propre direction. Ils ne se sentent par conséquent pas légitimes pour commencer à « ruer dans les brancards » quand eux-mêmes adoptent cette attitude. Cela impliquerait de tout remettre à plat ensemble et ils ne s’en sentent pas le courage. Ainsi ils préfèrent fermer les yeux sur ce qui se passe en dessous d’eux. C’est ainsi une chaine d’irresponsabilité et d’incohérence qui se met insidieusement en place dans toute l’organisation.

Deuxièmement il se peut que des remontées aient déjà faites par la base pour critiquer l’inadaptation des procédures à la réalité du terrain, mais qu’elles soient restées lettre morte. On a vu ainsi disparaître les "boîtes à idées" et à suggestions qui constituaient pourtant un mécanisme utilisé dans ce sens. Les acteurs se sentent ainsi découragés et se disent intérieurement « à quoi bon ? »

Troisièmement il se peut que le manger de proximité ne soit même pas conscient de cet état de fait parce qu’il est trop pris par d’autres tâches, qu’il n’a pas de contacts avec sa propre équipe voire qu’il est en conflit avec eux et ne veut pas admette que des procédures dont il est à l’origine (et pour lesquelles il tire une certaine fierté) ne marchent simplement pas. Pour renouer ce dialogue, certaines entreprises mettent en place des « espaces de dialogue » qui ont pour objectifs de penser ensemble ces problèmes. Cela montre pour commencer que l’entreprise n’est pas un espace de dialogue. Cela montre également que les dirigeants voient un intérêt à développer de genre de dispositifs.


D’accord pour ne pas être d’accord, mais encore faut-il connaitre les arguments des autres et leur donner une occasion de se faire entendre !

Pourquoi cela ?

D’une part parce qu’ils ont pris conscience que les problèmes devaient être traités et discutés de manière collective, en impliquant au maximum un panel trans-hierarchique et représentatif de l’entreprise ou d’un service dans son ensemble, afin que les problèmes ne soient pas traités "en silos". Ne pas confiner la communication au sein des départements est le meilleur moyen de dissiper les craintes en diffusant un discours de vérité, autant que cela puisse se faire. Cela ne va pas sans grincements de dents et d’inconforts individuels mais l’authenticité naît toujours de la confrontation ouverte et sereine entre les points de vue divergents. D’accord pour ne pas être d’accord, mais encore faut-il connaitre les arguments des autres et leur donner une occasion de se faire entendre. A quand un agora dans les entreprises pour remplacer les conversations de la machine à café ? Et qui voudra bien faire le Socrate pour organiser les dialogues au sein de cet espace ? Car le dialogue n’est pas une discussion libre ni un débat d’opinions. Il est un échange structuré autour d’oppositions d’arguments, d’approfondissements d’hypothèses, de réponses argumentées et de décisions rationnelles. Autant dire que le dialogue ne s’improvise pas et doit se doter de règles suivies par tous.

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