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Pourquoi voulons-nous être rassuré·es ?



Se rassurer par les autres


En général quand on veut être rassuré c'est que l'on a peur de quelque chose. Les enfants ont peur du noir car ils s'imaginent que quelque monstre va en surgir et ils demandent à leurs parents de les rassurer. Ceux-ci en général de manière rationnelle leur expliquent que les monstres n'existent pas et par leur attitude, tendre, bienveillante et rassurante, font taire momentanément leur peur. Il s'agit ici d'une peur irrationnelle puisque son objet est irréel, fantasmé, inventé par l'imagination fertile des petits.

Dans d'autres situations nous avons peur de l'avenir et de ce qu'il peut apporter : précarité matérielle, perte d'un être cher et donc peur de l'abandon, souffrance et déchéance physique, peur de la violence d'un conflit qui se profile etc. Les objets de la peur sont dans ce cas bien réels, ils ne sortent pas d'une imagination fantasque, ils sont possibles mais toute la question est celle de leur plausibilité.

Comme nous savons qu'il nous faut agir sans connaitre l'avenir, nous demandons à autrui de nous rassurer, comme nous le faisions avec nos parents, en lui demandant qu'il nous fasse voir le côté positif et agréable des choses, qu'il nous parle de nos forces et de la confiance qu'il a en nous, ou juste par des paroles quelque peu magiques qui agiront comme un calmant provisoire. Autrui ne peut que nous aider à rétablir une vision plus objective des choses en nous faisant remarquer que notre jugement est biaisé par la peur et l'inquiétude et que nous ne voyons "que le mauvais côté des choses". Mais nous pourrions tout aussi bien nous rassurer nous-même sans avoir recours à l'extérieur, d’autant plus que notre entourage peut vite se lasser de son rôle de « rassureur » : après tout lui aussi a ses propres problèmes.

C'est d'ailleurs ce que nous faisons en cherchant dans le monde des signes positifs qui viendront tempérer notre peur : à ce moment nous somme précisément vulnérables aux personnes malveillantes qui vont profiter de notre état pour nous rassurer et acquérir une emprise psychologique sur nous.


Ainsi pour de nombreuses peurs il n'y a pas d'assurance, de garantie que leur objet ne se réalise pas : personne ne peut nous rassurer sur le fait que nous ne tomberons pas bientôt malade ni n'aurons un accident de voiture ou que nos enfants vivront plus longtemps que nous. Chercher à se rassurer pour des choses sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle ne fait que nourrir la peur qui a fait émerger ce besoin de réassurance.


Soit donc nous prenons cette peur, la regardons en face et en faisons un exercice de réflexion sur nous-même pour la relativiser, la réfléchir et peut-être même la déconstruire, soit nous la fuyons en nous plongeant dans des divertissements ou consolations, soit encore nous persistons à chercher à l'extérieur des signes qui nous rassureront. Malheureusement en général le monde n'est pas là pour nous rassurer, pour "nous faire sentir bien" ni nous apporter le bonheur ,donc cette dernière solution parait quelque peu inefficace tout en étant fatigante pour l'esprit. La peur n'est pas reposante.

En ce qui concerne le divertissement il peut être efficace un temps : celui qui craint l'abandon multiplie les conquêtes amoureuses tel Don Juan et y trouve un certain équilibre par la nouveauté et l'excitation des nouvelles rencontres. Dès qu'il sent sa peur revenir c'est lui qui abandonne l'autre pour éviter que sa peur ne se réalise et il se complait dans cette succession de conquêtes. Jusqu'au jour où il se fatiguera et voudra construire une relation durable avec une seule personne. A ce moment il lui faudra s’engager et faire face à sa peur de l’abandon en s’abandonnant justement à autrui, ce qui évidemment pour lui(elle) est très difficile.


La solution la plus efficace et satisfaisante mais aussi la plus difficile : regarder sa peur en face pour la faire parler, dialoguer avec elle, en faire l'occasion d'un dialogue de soi à soi.

 

S'affronter soi-même


Si nous reprenons l'exemple de notre séducteur terrorisé par l'idée de l'abandon, de la solitude, du vide, il peut se demander "pourquoi ai-je peur d'être abandonné ? Il peut faire l'expérience de pensée d'être abandonné. Voilà il est seul, sans amis, sans amour. Déjà il se rendra compte que c'est une solitude relative car il y a bien au moins une personne dans son entourage qui l’aime, ne seraient-ce que ses parents. Cette pensée pourra déjà le rassurer quelque peu.

Mais qu'est-ce qui peut bien être si terrible à ne pas être aimé ? Et d'ailleurs s'aime-t-il lui-même ? Aime-t-il ce qu'il est, ce qu'il fait, ce qu'il représente aux yeux des autres ? Une question pourra le sortir de son marasme, quoique quelque peu provoquante : « si tu ne t'aimes pas, pourquoi voudrais-tu qu'on t'aime ? Vois-tu qu'exiger que les autres t'aiment quand tu ne t'octroies même pas cet amour, vois-tu que c'est une forme d'abus, d'injustice envers autrui ? » Il y trouvera une bonne raison de ne pas s’aimer, pour une fois.


Puis il pourra poursuivre son examen de conscience :« Et si tu commençais à être plus juste en trouvant de bonnes raisons de t'aimer toi-même ? de te trouver intéressant ? Apprends à passer du temps avec toi-même, aie des activités créatives, intéresse-toi aux autres en les questionnant sans attendre une quelconque rétribution sous forme de reconnaissance ou d'amour, contemple des œuvres d'art, demande-toi pourquoi tu les trouves belles ou laides, fais des actions gratuites si possible envers des gens dont tu sais qu'ils ne te seront pas reconnaissants. Fais les choses pour elles-mêmes et non pour l'amour que tu penses qu'elles vont t'apporter. Aime autrui, donne-lui sans attendre en retour et observe l'effet sur toi de ce don. Peut-être commenceras tu à t'aimer et à moins craindre d'être abandonné. »


Evidemment tout ceci lui demandera des efforts, un changement d’attitude et une bonne dose de courage. Il est probable qu’il n’y arrivera pas seul car se questionner et se dire les choses de cette manière requiert en général une altérité radicale comme celle d’un ami prêt à vous dire les choses au risque de la rupture, ce qui n’est pas monnaie courante.

S’il y parvient il se libèrera d’un poids pour lui et les autres : recevoir constamment des gages pour conjurer sa peur existentielle. Mais contre une peur existentielle, seul un travail existentiel peut donner des résultats probants.

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