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Romeo, m'aimes-tu ?




En général, se moquer d'une personne n'est pas le meilleur moyen de lui faire passer un message, de lui enseigner ou de l'éduquer. Se moquer consiste à rire, souvent en le caricaturant, d'une faiblesse, d'une vulnérabilité ou d'une singularité d'une personne, qu'elle ne peut en général pas modifier ou très difficilement, ce qui la met face à son impuissance. De plus, le moqueur trouve là souvent un moyen de se mettre en valeur à bon compte puisqu'il le fait en même temps qu'il rabaisse autrui, a fortiori lorsque cela est fait en public, ce qui constitue une pratique potentiellement humiliante.


Pourtant j'utilise parfois ce que j'appellerais une forme de moquerie bienveillante ou mise en abîme de l'attitude d'autrui, en consultation ou en atelier.


Lorsque je questionne quelqu'un je lui demande de s'engager dans une réponse, même si elle n'est pas certaine, histoire de poser une hypothèse jusqu'au bout. 


Par exemple, je suis avec Sophie et je lui demande : 


Moi - es-tu d'accord avec ce que je viens de te dire ?


Sophie - euh...oui  mais (tout en faisant une grimace)


Moi (je l’interromps) - imagine Romeo qui demande à Juliette " Juliette, m'aimes-tu ? Et Roméo qui répond : "euh...oui mais il y a l’histoire de nos familles”. Penses-tu que Juliette est satisfaite de sa réponse ?


Sophie (elle rit)


Donc j'ai imité mon interlocutrice en lui mimant la saynète imaginaire de Roméo et Juliette avec un Roméo quelque peu pusillanime face à la demande de Juliette. Je me suis moqué en quelque sorte du manque d'authenticité de mon interlocuteur en lui faisant remarquer, par l'imitation, que son “oui” n'était pas franc et que je le prenais plutôt pour un "non". 


Chacun jugera s'il s'agit réellement d'une moquerie, en tous cas c'est un effet de style qui me permet, sur le ton de l'humour et de l'ironie, de signifier à mon interlocuteur que j'attends de l'engagement de sa part, plutôt que de le recadrer de manière rigide, ce qui aurait probablement pour effet de le braquer. 


En général cela fonctionne, d'autant mieux que la fois d'après je n'ai plus qu'à faire référence à Roméo et la personne se reprend d'elle-même. De manière générale, dans une pratique de réflexion individuelle ou en groupe, l'humour et l'ironie ont des effets performatifs intéressants. La douce moquerie pourra aussi être utilisée face à des personnes qui sont particulièrement de mauvaise foi et têtues, ne serait-ce que pour tester leur réaction à ce "titillement existentiel".

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