Le sens commun c'est à la fois une capacité d'effectuer des jugements simples, donc de répondre à des questions simples par exemple, à partir de perceptions communes (savez-vous à peu près l'heure qu'il est ?), de connaissances universellement partagées (la Terre est ronde et tourne autour du soleil) ou d'intuitions évidentes. Cela ne produit pas de théories originales mais permet de se prémunir contre une forme de "subjectivité débridée" qui se prétendrait géniale alors qu'elle oublie qu'elle déroge au sens commun. Ce n'est pas un problème d'aller contre le sens commun, c'est un problème de l'ignorer (comme l'ignorance réelle est en général un problème) car alors vous risquez de quitter les rivages de la raison.
L'utilisation du sens commun dans un groupe est une des choses les plus puissantes que nous utilisons dans la pratique philosophique car justement le sens commun, en tant que capacité “universellement” (ou au moins dans un environnement social donné) partagée de conduire un raisonnement simple à partir de connaissances communes ou de perceptions actuelles (je vois les personnes qui sont avec moi) est “commun”. Il est à la fois partagé, simple, et impose une forme de nécessité à la pensée, on ne peut pas l'ignorer.
Un exemple très simple : vous êtes en réunion et une personne répond à une question (admettons que la question ait été bien formulée et soit claire pour le sens commun). Faites un “arrêt sur réunion” et demandez simplement au groupe en présence (cela marche aussi en visioconférence) "Pour qui la réponse de A n'est pas claire ?" En faisant cela vous obligez en quelque sorte chacun à se positionner quant à son propre sens commun et à décider si grosso modo la réponse de A est claire et distincte (comme Descartes le disait) ou si elle comporte une ambiguité, une contradiction, une connaissance experte non partagée, un présupposé implicite que certaines personnes seules peuvent comprendre.
Cela vous oblige également à vous demander "Est-ce que la proposition est claire mais je ne suis pas d'accord avec ce qu'elle affirme ?" ou bien est-elle vraiment confuse, auquel cas je ne peux même pas me demander si je suis d'accord ou pas puisque pour être d'accord avec une proposition, encore faut-il qu'elle soit claire, donc que le sens commun la comprenne de manière intuitive, sans avoir à faire de déduction ni d'inférences.
Souvent les gens confondent ne pas être d’accord avec une proposition et ne pas la trouver claire alors que ce n’est pas du tout la même chose : dans le premier cas vous êtes déjà dans le débat d’opinions alors que dans le second vous demeurez dans la raison, dans le sens commun.
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