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L'illusion de la religion chez Feuerbach



Me voici devant vous avec un exercice difficile. Tenter de résumer afin de vous faire partager, la pensée complexe car dialectique, d'un penseur allemand original et assez méconnu du grand public, Ludwig Feuerbach.


Quelle est l'originalité de son message ?


Feuerbach nous dit que la religion est une illusion issue de notre immaturité parce qu'elle nous permet d'objectiver ce qui est toujours déjà en nous : l'infini. L'infini chez l'être humain, c'est sa conscience. Elle est infinie parce qu'elle peut penser l'infini, au-delà de la limite et qu'une conscience de l'infini ne peut-être qu'infinie elle-même. Mais comme l'homme n'est pas capable d'objectiver en lui cette conscience infinie, il la "met" en Dieu. Il crée cette entité toute-puissante de toutes pièces afin d'accéder à son propre infini intérieur par le truchement de la divinité extérieure, qui peut dès lors faire l'objet d'un culte qu'abrite une institution, en l'occurrence il nous parle ici du christianisme.

Ce faisant on ne peut pas dire non plus que Feuerbach soit athée puisqu'il considère que le divin est toujours déjà en nous à travers notre conscience, spécificité humaine au sein du règne animal. Mais c'est un divin qu'il faut en quelque sorte "arracher" à la religion pour se le réapproprier en nous. Cela crée une séparation nette entre l'homme et le règne vivant non-humain puisque au sein de ce dernier, chez les animaux par exemple, il n’y a à proprement parler pas de conscience. Les animaux sont probablement conscients d'eux-même et de leur environnement, ils sont sensibles et souvent intelligents mais ils n'ont pas de religion. Or seul un être qui a le divin en lui, donc cette capacité de réconcilier l'infini (la conscience) et le fini (le corps, la matérialité), crée une religion afin d'objectiver ce qu'il ne parvient pas à faire spontanément.


Cette pensée de Feuerbach est assez puissante car elle permet, tout en rejetant les religions établies, de préserver une forme de divinité en nous. Même un être non religieux comme moi sent bien qu'il y a quelque chose de miraculeux dans la conscience et sa capacité à toucher l'infini. Tous les philosophes, mêmes les plus athées comme Sartre, en ont parlé. Sartre a dit que “l'homme est la créature qui veut être Dieu”. Mais pour pouvoir le vouloir il faut qu'elle le soit un peu dès le départ, qu'elle ait une connivence, une familiarité avec le divin, car comment pourrait-on désirer une chose qui serait totalement incompatible avec notre entendement ou notre sensibilité ?

D'une certaine manière Feuerbach affaiblit la religion établie en l'accusant d'être une illusion mais c'est une illusion nécessaire, une étape nécessaire avant de réintégrer le divin en soi. Il dit de la religion qu’elle est non pas mensonge mais renversement de la vérité, en ce qu’elle exprime malgré tout, en la masquant, une forme de vérité : que nous pouvons toucher l’infini.

La connaissance de soi peut vraiment avoir lieu une fois que nous avons extrait le divin de la religion et l'avons réintégré en nous. Je ne pense pas cependant qu'il faille y voir une promotion de la toute puissance-humaine. Car s'il peut penser l'infini, l'être humain ne peut pas pour autant s'extraire de la matière. Ce n'est pas un blanc-seing aux transhumanistes qui pensent que la technique peut s'affranchir de la mort, à terme. L'idée d'éternité serait justement plutôt de l'ordre du phantasme religieux, les transhumanistes étant des religieux qui ne disent pas leur nom. C'est la religion qui après tout a inventé la notion d'éternité avec un au-delà de la mort où les bonnes âmes jouiraient d'une félicité éternelle.

Il semble qu'avec l'être humain nous ne sortions jamais du religieux : soit il est objectivé à travers l'adoption d'une religion officielle, soit il est refoulé et travesti dans des pseudos religions, soit il est assumé à travers notre capacité à penser l'infini.

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