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La peur de la peur


 



Quelqu'un qui a peur montre sa peur, il la communique à autrui, même s'il ne laisse pas sa peur prendre possession de lui. Celui qui a peur mobilise toutes ses ressources cognitives afin d'échapper au danger réel ou imaginaire. Quand nous faisons face à quelqu’un qui a peur cela influe sur notre imagination, faisant ressortir nos propres peurs enfouies. La peur, comme le rire, est communicative et très vite elle peut se muer en son extrême, la panique. La peur se sent, comme une odeur.

 

Si la peur a un objet, la peur de la peur n'en a pas, elle se mire dans la peur de l'autre, elle est redoublée par la peur de l'autre et se nourrit de ses propres fantasmes. Ce qui peut nous éviter la peur c'est de réfléchir à son objet et d'estimer son degré de réalité, de probabilité et de gravité comme on dit en gestion du risque.


Ecouter quelqu'un qui a peur c'est prendre en compte son message sans se laisser gagner par la peur, c'est se concentrer sur le sens de ce que la personne dit et faire abstraction de sa peur, c’est donc faire un effort sur soi pour ne pas se laisser gagner soi-même par la peur.

Si nous nous laissons emporter par la peur alors nous n'écoutons plus rien d'autre que notre propre peur qui sait bien se nourrir de toutes les images que notre imagination peut y attacher et nous n'écoutons plus le discours de vérité de celle qui a peur, nous laissons notre propre voix intérieure peureuse nous dicter notre conduite.

C'est effectivement de nature à précipiter le danger que de ne pas écouter celui qui l'a réellement perçu.


Evidemment plus on tient à quelqu'un, plus on veut le protéger, le préserver, et plus on va avoir peur de sa peur. Plus nous avons confiance en une personne plus nous nous en remettons à elle et plus sa peur nous déstabilise. Si une hôtesse de l'air nous intime de mettre notre ceinture et que nous voyons la peur dans ses yeux il y a fort à parier que son discours ne sera plus très audible alors même qu'il serait vital de suivre ses consignes de sécurité. De même si nous parlons à nos enfants de manière lucide mais en ayant peur pour eux, ceux-ci ne vont plus nous écouter mais prendre peur de notre peur et se mettre à pleurer par exemple. Quand on a peur soi-même ce n'est pas la peine de tenter de rassurer les gens mais il faut leur parler calmement, fermement, résolument, directement et franchement et leur expliquer l’objet de la peur.


La peur est un principe d'action tout à fait efficace : combien sont motivés à travailler par la peur de l'échec, de la souffrance, de la solitude, de la mort, du vide et de l'ennui, de la précarité, du manque de reconnaissance et de l'oubli ? Combien de vocations sont nées grâce à la peur, grâce à nos peurs ?

La peur balaye tous les messages rationnels et modérés. Si la bourse commence à baisser, les messages rassurants des investisseurs n'y feront rien : tout le monde se mettra à vendre pour anticiper la vente des autres, chacun prend peur en anticipant la peur des autres et c'est le vent de panique qui se lève conduisant à la catastrophe.


Ce qui est toujours négligé dans ces phénomènes de contagion c'est la réalité de l'objet qui a conduit à la peur. Il peut bien d'ailleurs disparaître, la peur demeurera, laissant une trace indélébile dans le coeur des hommes. La peur est un principe d'action tout à fait efficace : combien sont motivés à travailler par la peur de l'échec, de la souffrance, de la solitude, de la mort, du vide et de l'ennui, de la précarité, du manque de reconnaissance et de l'oubli ? Combien de vocations sont nées grâce à la peur, grâce à nos peurs ?


La peur est aussi un principe pédagogique efficace : une expérience où nous avons ressenti de la peur sera gravée durablement dans notre mémoire. Au disciple qui se plaignait de s'ennuyer à méditer sur sa respiration, le maître zen plongea brutalement sa tête sous l'eau jusqu'à ce qu'il suffoque et se voit mourir noyé par la main de son maître. Il se souviendra ainsi toute sa vie de la leçon sur l'importance de la respiration.

Comme la peur accélère notre pensée, augmente notre rythme cardiaque, réduit notre attention et mobilise notre énergie il est important, quand nous avons peur, de penser à respirer justement. Car c'est aussi dans la respiration, avec le souffle et l'espace intérieur qu'il crée, que les idées nous viennent pour affronter notre peur et son objet.

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