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La non-violence est-elle toujours une stratégie appropriée ?




La violence c'est le fait d'être contraint extérieurement par une force irrésistible, souvent brutale et soudaine, qui provoque en général de la souffrance physique et mentale, voire les deux en même temps. La plupart du temps, du fait de sa soudaineté et du fait qu'elle interrompt le flux de conscience, la violence est perçue comme arbitraire, injustifiée, ce qui ajoute de la violence à la violence puisque, l'être humain cherche du sens dans tout ce qui lui arrive et par conséquent ressent l'absurdité comme une violence (raison pour laquelle Camus conseille de se révolter contre l'existence).

Ainsi la violence n'est jamais recommandée comme solution efficace pour résoudre un problème et elle n'est utilisée, dans un État de droit du moins, que comme recours de dernière extrémité. Mais sa possibilité comme force de dissuasion doit toujours être présente puisque sans la force (qui en général devient une violence lorsqu'on lui résiste) la justice n'a pas de puissance ni d'efficace.


Compte tenu de sa répulsion à la violence, l'être humain civilisé prône souvent la non-violence, une forme de résistance passive qui, sans agresser l'agresseur dans une riposte qui conduirait à une escalade qui ne cessera qu'à la destruction d'un des adversaires, lui signifie malgré tout qu'il n’est pas d'accord avec ses méthodes brutales. Gandhi en est l'archétype dans sa résistance non-violente à la violence du colon britannique dans l'Inde des années 20 et 30. Cette non-violence s'accompagne également de l'ouverture au dialogue avec l'agresseur pour l'amener sur le terrain de la raison, lui faire entendre raison afin de trouver une issue acceptable à un conflit vécu comme insoluble. Mais pour que cette non-violence puisse avoir une efficace, il ne faut pas qu'elle soit confondue avec une faiblesse lâche par crainte de la souffrance, qui ne ferait qu'exacerber le mépris de l'adversaire pour le non-violent. 


Être non-violent, tout en résistant, c'est se faire une grande violence à soi-même : celle de résister à la grande tentation de la riposte, du la loi du Talion, du déchaînement de la force qui nous reste pour détruire l'ennemi. Celle de décider de se soumettre à la force de la raison en nous et de faire confiance au fait qu’elle opère malgré tout chez autrui, fut-il l’ennemi atavique. En effet, la violence semble être plutôt naturelle chez l’être humain et est  toujours susceptible d’érupter comme la lave d’un volcan à demi endormi. Il existe toute une tradition philosophique qui, de Hobbes à Freud, en passant par Kant, décrivent l'être humain à l'état de nature comme animé par des pulsions égoïstes et destructrices pour ses frères d'humanité.

D’une certaine manière la violence peut-être appropriée, même envers autrui, de manière stratégique, donc maîtrisée, limitée dans le temps et dans son intensité, lorsqu’elle est utilisée pour ramener l’autre à la raison, une forme de pédagogie par la violence. Ainsi le maître zen plonge-t-il violemment la tête de son élève sous l’eau jusqu’à l'asphyxie, ce dernier se plaignant de s’ennuyer de méditer sur sa respiration, oubliant l’importance vitale, autant physique que spirituelle, de cette fonction. Le pari est que la leçon sera durable car physiquement ancrée et qu’il ne s’ennuiera désormais plus dans son exercice de méditation : l'inconvénient est qu'il en nourrira peut-être quelque ressentiment pour son maître aux méthodes peu orthodoxes.


La violence peut aussi être appropriée de manière plus classique, lorsque autrui nous menace dans notre intégrité physique et que la fuite n'est pas à notre disposition, soit que nous ne voulions pas passer pour un lâche, soit que la configuration matérielle ne nous en laisse pas le choix. User de non-violence jusqu'à la mort n'aurait de sens que dans une optique sacrificielle, ce que le Christ enseigna en son temps, faisant du christianisme le premier vecteur de non-violence, bien avant Gandhi. Mais même dans ce cas de légitime-défense la violence devrait s'arrêter lorsque la menace a disparu sous peine de dégéner en folie destructrice. Chez l'être humain, la roche tharpéïenne est toujours proche du Capitole.


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